17 févr. 2008

Pêle-mêle


Un rouge à lèvres, un porte feuille, des collants, deux trois Kundera, quelques cours quand même, en bref, impossible de mettre la main sur ton feu! Et ta clope, roulée méticuleusement, toujours aussi laide, qui attend de se faire allumer, autant que tes doigts, qui attendent d'être réchauffés... Putain de feu, introuvable, ni dans ce cabas, ni dans les poches de ta veste; de l'autre peut-être? non. Concentrée sur tes boîtes d'allumettes qui défilent, toutes vides - parce que tu as donné ton joli briquet au serveur, parce qu'il n'est pas si mal, parce que c'est un homme surtout - tu ne fais pas attention à la toux sèche, provoquée, qui t'est adressée. C'est quand tu fixes le briquet, la main, le bras que tu réalises que l'on t'observe, et ce, depuis que tu as posé le pied sur le quai "arrêt Juvisy". Un homme, de nouveau et pour changer, qui te fait prendre conscience que tu es stupide, stupide depuis tout à l'heure à te toucher de partout, et de plus en plus frénétiquement, pour trouver ce qui t'obsède. C'est donc avec un sourire où toute l'ironie du monde vient se loger qu'il te tend son feu. Et alors les mêmes pensées viennent te reprendre aux tripes. Un homme qui te permet d'allumer ta clope n'est pas forcément un homme qui t'allume. Mais ça, ça vient après, ton esprit, lui, a déjà pris son sourire, pour le poser sur tes lèvres, ton esprit entend le bruit de tes talons et demande à tes jambes d'être plus lourdes, plus entreprenantes, qu'il puisse suivre, au son, ton allure, ta direction, ton chemin. Un instant que tu as déformé, détourné, rallongé, le sourire aux lèvres, son sourire à lui que tu t'appropries, que tu savoures, que tu sais pouvoir retransmettre, plus tard, sur le papier. Et, comme toujours, tu vois au-delà. Avant même d'en avoir conscience, ton esprit se laisse prendre par ces hommes. Ton décolleté, ta nuque, la courbure de tes reins, ta taille de moineau, tout est prétexte à plaire, à attirer le regard, à attiser l'excitation. En échangeant un salut de politesse, c'est ton corps que tu remets entre les mains de ton interlocuteur. Mais souvent, il refuse l'invitation, ne la conçoit même pas. Et la frustration s'installe, tu es, sur l'échelle, au septième ciel, ton imagination fourmille et s'il t'arrive par malheur de te réveiller, il y a la tasse de café, les feuilles, la paille, le stylo, rien d'autre que l'Habitude et un homme, obnubilé par son discours, sûrement pas par tes yeux. Une nouvelle proie, un nouvel homme, toujours plus vieux, toujours plus loin de toi dans la hiérarchie sociale, toujours plus difficile à appâter, et toujours plus désirable! L'élu ne sait pas qu'il est en ligne de mire, ta conscience vient de le savoir, ton inconscient l'a toujours su.

 

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