31 mars 2008

Stigmates


Aimée, enchaînée, mâle dans sa peau, elle enfonce la dague un peu plus profondément chaque fois. La pointe de la lame, les bords affûtés scient la chair fraîche, bien vivante, pénètrent délicatement chaque tissu de son corps de femme. Tu te dis c'est bien mieux, ce filet de sang dans le creux de ton ventre, bien mieux que sa chaleur entre tes jambes, bien mieux que son sexe étouffant, enivrant, bien mieux que vos cris quand il se répand à l'intérieur fouillant toujours plus loin pour exciter ton plaisir. Comparaison faite, les larmes viennent doucement se mêler au sang qui fuit, à la vie qui s'enfuit. Le carrelage accueille la fille perdue, éperdue, le regard noir, le ventre, le sexe, les mains, rouges. A cet endroit, ils auront fait l'amour, elle aura aussi glissé à terre, prise d'un spasme trop violent, rattrapée par ses bras si puissants. Jusqu'à présent, elle n'a pas connu ce froid, poignant. C'est amusant, elle ne sent plus la lame, et, si elle réfléchit, elle n'a plus senti grand chose depuis que son odeur est partie, depuis qu'il est sorti de sa vie. Appuyée contre le mur, agrippée au pied de la table, elle mouille une dernière fois, hurlant leur amour passé, la souffrance de cette nuit sans lui, accessoirement la cause de cette marque rouge sur le sol.

29 mars 2008

Coma Idyllique


Quand il me prend dans ses bras, il me parle tout bas, je vois la vie en rose.
Je t'embarque prendre l'apéro.
il me dit des mots d'amour, des mots de tous les jours, et ça m'fait quelque chose.
Si elle revient demain, je plaque tout.
Il est entré dans mon cœur, une part de bonheur, dont je connais la cause.
Bizarre de dormir sans toi.
C'est lui pour moi, moi pour lui dans la vie, il me l'a dit, l'a juré pour la vie.
Tu me manques.
Et dès que je l'aperçois, alors je sens en moi mon cœur qui bat.
Je t'aime Puce.

Conjecture


Embarquée dans sa vie, elle ne sait quand le manège s'arrêtera enfin. "Maman, je veux refaire un tour, attraper le pompom". La pluie glisse sur ses joues, entraîne avec elle les larmes, seul témoin de son mal-être, de son bonheur total, insupportable. Son téléphone ne cesse de vibrer, Lui, le barman, le réceptionniste de l'hôtel, le taxi, l'ex, l'inconnu ... Et sous ce ciel qui pleure, loin devant cette vie qu'elle sait ne pouvoir assumer, son corps réclame sa moitié, laisse l'eau percer sa robe, inonder sa poitrine. L'auréole de son téton, le creux de son sexe se frayent un chemin au travers des fibres quand l'appel de l'orage lui fait lever la tête. Cheveux défaits, elle fixe cette ville déluge, déserte, décadente. Les pavés sont imparfaits, les gouttes semblent remonter, pleuvoir de la fontaine, les caniveaux s'engorgent, s'épuisent, les rares passants, transits, maudissent les quelques frêles réverbères. Le froid la saisit, devant ce café où leur amour n'a pas passé. Un dernier instant, elle passe les doigts sur ce corps, à nu sous le tissu blanc, collant, et parcourt d'un geste sa féminité fanée, usée, déraisonnablement belle. Un dernier instant, elle ne conçoit pas descendre du manège, un tour suffit pour prendre des habitudes, de mauvaises habitudes aussi. "Maman, juste une fois s'il-te-plaît, après c'est tout".

Pour les employés de la brasserie, Elle a un peu trop bu, a pris beaucoup trop froid, a passionnément aimé. Et ils n'ont pas tord.

28 mars 2008

Cap ou pas cap ?


- "Y a plusieurs choses que tu m'as jamais demandé de faire mais que j'aurais fait...
- Comme ?
- Manger des fourmis... Insulter les chômeurs qui sortent de l'ANPE... T'aimer comme un fou..."

C'est ce genre de répartie qui nous trotte dans la tête depuis la dernière salle noire, depuis le dernier film qui a réalisé plusieurs millions d'entrées ; un dialogue en tête qui ne franchit pas le péage des cordes vocales.
Et si notre histoire n'était pas un jeu d'enfants ?
Elle regarde son portable ; deux nouveaux messages :
"Tu viens ? A moins que tu ne veuilles pas" ... "Entre mes jambes".
Cap ou pas cap ?

Il y a un jeu auquel il ne faut jamais jouer, je dis bien JA-MAIS (...) C’est de se faire ensevelir dans un bloc de béton.

C'est cette mauvaise habitude qu'ils avaient pris. Comme tous ceux qui, chaque matin, laissent femme, enfants, maîtresse pour aller jouer au loto, gratter un ticket de morpion, comme n'importe qui, ils étaient devenus addicted, obnubilés l'un par l'autre, incapables de vivre leur quotidien à un.
Cap ou pas cap ?

De reprendre le jeu au lieu de vivre cette vie aux airs de tragédie. Son attitude passe aux yeux de tous pour être celle d'une gamine, elle a le sentiment d'être trop grande, de n'avoir même jamais su jouer à la marelle. Le rouge à lèvres lui donne le tein si pâle ! Elle a longtemps hésité entre une robe et le pantalon noir ; elle veut qu'on voit ses jambes, qu'il et ils les voient. Deux mois qu'elle parcourt les mêmes rues, arpente les mêmes pavés, croise des gens tellement différents, fait l'amour avec ce même homme, deux mois qu'elle revient, compressée dés que sa beauté ne lui appartient pas toute entière. Ses talons s'avancent, arrogants, le long de la rue piétonne, son sac, trop lourd, lui fait replier le bras à la manière des parisiennes chics ; elle aime se faire passer pour une autre.
-"Tu m'attendais ?"
Deux heures, deux heures pour faire de leur vie un jeu, oublier qu'ils s'aiment trop, que rien ne tiendra demain, deux heures pour rire dans ses yeux plutôt que pleurer sur ses lèvres.
Cap ou pas cap ?

24 mars 2008

Psyché

















Stéphane Czyba

Les fenêtres sont fermées. Derrière les gros rideaux rouges, l'air ne passe pas. Trois couches, elle en compte trois. De l'extérieur, on aperçoit un store de style chinois ou japonais, qui, à lui seul, bouche la vue, cache le studio au regard des passants. Un pan entier du mur accueille une armoire et sa lourde glace, qui elle-même accueille le reflet de son con, de ses fesses écartées, de ce rituel qui lui tient tant à coeur et à cul. Trois fois rien, un homme, une femme, un miroir, un trio amoureux, chacun aux antipodes, réunis dans une chambre noire, enfumée, enivrante. La dernière fois qu'il l'a regardée dans les yeux, il a pleuré. Et c'est sûrement pour cela qu'il met entre eux la masse silencieuse du meuble, qu'il relève rageusement sa tête, tire par poignets ses cheveux blonds et bouclés jusqu'à ses deux omoplates, empoigne les deux petits seins pour basculer le corps. Son champ de vision est dégagé. Elle ne peux dire si l'envie provient de sa peau à elle, chaude et humide ou de la surface lisse et froide ; l'une ne peut s'activer sans l'autre. Son phallus gonfle, prend toute l'ampleur de son désir à l'entrée de son vagin. Excité par ce reflet, excité de ce dédoublement, il l'empale sur son sexe, interposant la glace entre leurs deux regards, démultipliant peu à peu les acteurs. Elle, ne voit rien, ne veut penser qu'à ce membre qu'elle sent, chargé, contre ses muqueuses. Lui, fixe, tour à tour, cette femme enfant qu'il baise avec amour, et son corps, ou sa queue, mouvant ; le reflet d'un Narcisse dressé, fier, en fin, liquide, dont le sperme ruisselle, s'échappant de ses lèvres avides. Eros, en ce jour, est image.

22 mars 2008

Tête à queue


Ils déambulent dans la salle, se glissent entre les tables. Lumière tamisée, deux sont désignés pour allumer les bougies. Chaque client a droit à un "bonne soirée" et à un sourire en prime.

Je t'allume ?

Pas besoin du briquet, ton regard de braise m'a suffit.

Echange complice, échange intime.

J'ai envie de te manger.

Regard circulaire, personne ne semble remarquer leur jeu.


Monsieur, nous sommes dans un espace public, je ne vous ...

Suis moi, prends un jeton et suis moi, il faut que je te bouffe.

Elle se lève, féline. Les gens sirotent, grignotent. Son cul frôle chaque chaise, sa chatte s'avance crânement vers chaque table.

Pardon, excusez moi ... C'est occupé ? Vous attendez ? Allez y. Non ? A votre place j'irais. Cet homme est avec moi.

La femme regarde médusée le couple rentrer dans les WC de gauche des toilettes pour dames.

Elle est juste derrière.

Et alors ? Ca t'excite, je sais. Laisse moi rentrer mes doigts, une semaine que je ne t'ai pas sentie mouiller.

Il lui agrippe les cheveux, tire. Il la fouille. Elle gémit, crie presque ; et la femme qui attend près du lavabo est près d'appeler au secours.

Allez, dis le, je veux t'entendre.

Arrête ! Encore ! Prends moi !

Son ventre rencontre le distributeur de PQ, son cul sa tête, son cul sa queue.
Sa jupe relevée, ses collants aux genoux, elle a la bouche entrouverte, ses mains pressent les siennes, ses soupirs en redemandent.


J'entends ta gorge hurler, je sens ton sexe se contracter. Tu jouis belle puce et pute. Attends moi ... Là !

Une porte claque, la dame a du partir.

13 mars 2008

Minha Querida sur les quais


Plateau de charcuterie, et artichauts, dans le marais. Le cadre est en place et, de toute façon, elle ne se souvient pas du reste. Chute libre, zoom sur leur visage, sur leur iris, pétillant, deux bleus azur, deux bleus gris. Ils sont deux chats ce soir à se défier du regard tout en vidant leurs verres : " Happy Hours jusqu'à 21h " est écrit sur la porte entrouverte. Etrangement, les sujets de conversation se font rares. Mais aucune gêne ne se fait sentir quand tous deux n'ont pas besoin des mots pour se murmurer qu'ils se désirent, que les pailles les narguent, que les bulles les excitent, que les chiottes les inspirent. Un assemblage de couleur, un accord parfait du blanc sur blanc, blond sur blond, bleu sur bleu : B & B, " à l'hôtel ? " & B. Une lettre de trop les pousse au-delà du politiquement correct ...
_Saucisson
_Fromage
_Artichaut
_ Fraise
Sûre que les voitures du dessous sentent ton haleine, que les piétons d'à côté respirent ton odeur. Elle resterait là toute la nuit, pendue à son bras, scotchée à ses lèvres, déambulant dans Paris, non plus à la recherche d'un recoin pour se faire prendre, mais impatiente du moment où il lui agrippera de nouveau les fesses, calée entre la rambarde d'un pont et sa queue qui lui chatouille le clito. Cachés par l'obscurité, non moins contents de ne l'être qu'à moitié, il est temps pour eux de sauver les apparences, de ne rester impudique qu'au regard de quelques passants privilégiés, et de la pierre, et de la Seine, et d'eux même. Ses mains râpent sur le mur froid, humide et rugueux. Peut-être saigne t'elle ? Elle mouille, assez dilatée pour lui offrir de s'introduire avec la même violence, la même rapidité qu'avec laquelle elle s'est retrouvée plaquée contre ce Paris qui la regarde, qui les entend. A deux, trois promeneurs de profiter de cet instant succint, de cette image de deux diables, blonds comme des anges, jouissant de la vie quand tout le monde trouverait cela mal.

La clope au bec, c'est à son tour de fixer les gens ce matin, le cul sur le bord de fenêtre, une main tenant la serviette de douche. Un jour, elle le sait, elle en verra un, deux, trois, voire quatre, jouer avec les interdits, comme ils en avaient profité une nuit.

10 mars 2008

Le port du casque est obligatoire



-"S'lut ! Moi c'est Elsa, tu viens ?"
C'est à lui de prendre la décision, de me laisser sortir ou non. Mes yeux de Merlan frit ne l'aident en rien. Dix minutes que l'on est rentré, il m'a enfermée dans la chambre, rhabillée, je jubile.
-"Tu m'aimes, dis ?"
La porte ouverte sera la réponse à ma question, je m'échappe. Il m'échappe. La chatte au regard apeuré attend, préférant notre couple aux deux frères qui la bouffent déjà. Avec la présence féminine, les effluves de testostérone s'estompent, son rythme cardiaque ralentit, sa voix s'apaise. Sur le canapé, deux femmes se dévorent, une brune et sa blonde, l'une rassurée, l'autre assoiffée. J'ai cherché mon homme des yeux en même temps que je découvre sa peau ; un mélange d'amertume et de douceur acide. Ses seins ...
-"Puce."
Je mordille ses tétons gonflés, pointus quand je sens ta langue sur mon cul, dans mon cul. Ta langue, non, sa langue oui.
-"Viens !"
Mon homme ne bouge pas, ne cille pas. Je la sens reprendre ses esprits sous moi. Non, personne ne remarquera l'absence de celui qui partage ma vie, de celui que, aujourd'hui, je n'arrive pas à réanimer. Ecarte, ouvre toi ma belle. Mon gémissement la pénètre subitement quand la queue arrache mon con. Deux sexes bien différents, néanmoins indéchiffrables. Elle mouille sous ma salive, il jouit, serré, à l'étroit. Et ils ont l'âme au bord des lèvres. Et toi, Amour ? Elle s'est terrée tout en bas de ton corps ; parce que tu redoutais ce que tu vois, tu redoutes d'aimer ça.
-"Elsa, puce, viens l'aimer."
Les places tournent. Un sein se fourre dans sa bouche, une queue a remplacé ses lèvres. Seul l'inconnu reconnu s'amuse et continue à jouer le rôle qu'il s'est lui même attribué, le rôle principal.
Doucement, le rouge leur monte aux joues. Nous sommes de nouveau cinq, incapables d'assumer, capables d'essayer.

7 mars 2008

Bultex vs Latex


Tu te repères au nombre des matelas. Un, deux, trois, mange moi. Quatre, cinq ... Juste là. Ne me lâche pas. Ne me fâche pas. Faufile toi entre mes cuisses. Les têtes bourdonnent, les langues se délient, les doigts cherchent, ses lèvres mouillent. Il la dévore des yeux, elle le supplie d'avoir pitié. Les Autres évoluent, ondulent dans l'appartement, les pieds se frôlent, les matelas sont déplacés.
- " Il t'attend. "
Leur monde ; comme un grand-père fripé, fier de ses imperfections, de ses contradictions, jusque dans ses extrêmes, et qui veille sur ces deux là, aveugles, obnubilés par le reflet qu'ils s'offrent. Un, deux, trois, des corps nus démultiplient le nombre des matelas. Quatre, cinq, une fille en garçon, et un lit cette fois, leur lit. Il lui a préparé son Jean, prêté son tee-short, donné sa dose. Elle ne déambulera pas sans ça, sans puer son odeur, sans présenter crânement leurs Vices et vertus, de loin, intouchable.