30 mai 2008

Les divagations d'une jarretière


Laissée pour compte sur une chaise, elle ouvre sur une longue série de sous vêtements, épars, qui forment une chaîne bordélique à travers la chambre. Les derniers bas achetés sont toujours dans l'emballage, la petite culotte qu'il avait déchirée leur première nuit d'amour disparaît sous le lit, et le string que son chef a reluqué toute la journée traîne en boule, à l'opposé de son soutien gorge, coincé entre la chaîne hifi et la table de chevet.
Lhasa tourne en boucle sous une lumière tamisée et vient s'immiscer dans les rêves d'une femme assoupie. Elle dort. Sur le ventre d'un homme inconnu, tout contre le pli que forment le bas ventre et la cuisse. Comme à son habitude.
Cette fois seulement, il n'est pas Lui, elle n'est pas Sienne. Et elle a provoqué le songe, très vite transformé en rêve, pour s'échapper. Dans le but unique de sentir une peau, un moyen de superposer les images. Son entre jambes à lui, sa queue à lui, qui se dresse à la seule sensation de son souffle à elle. La jarretière n'arrive toujours pas à comprendre. Une intimité superficielle, un jeu de séduction qui voit son apogée dans un échappatoire certain. Cet homme a quasiment décousu toute sa dentelle, casser l'élastique de la robe à laquelle elle était assortie. Cet homme a empoigné ses seins, broyé son cul, léché et bu à l'entrée de son con. Et rien, pourtant, ne semble la différencier de d'habitude. Imprévisible, docile, soumise, manipulatrice, petite chatte dominante et ce soir tellement simulante. On pourrait voir la jarretière sourire si l'on ne prêtait pas une entière attention à la femme. Lui, il va s'accrocher, et très vite l'ennuyer. Il ne la laissera pas s'évader longtemps, il voudra la reprendre, maintenant. Mais déjà, son odeur la dérange, et le rêve redevient songe, et le songe laisse place à une réalité languissante.
En échange de bons et loyaux services, elle peut être fière la jarretière, fière de constater encore une fois que rien ne transparaît dans l'iris de sa femme. L'homme et l'orgasme ont disparu, laissant le désir de l'autre s'y refléter. Bouche en coeur, queue en bouche, et la pince à cheveux qui vient rejoindre le bout de lingerie, juste à côté, sur le bord de fenêtre.

28 mai 2008

Androgyne féminine


- " Bouge avec plus d'assurance. Ecarte les jambes en marchant. Un peu de souplesse ! "
Et de rire à gorge déployée, la tête renversée, les larmes aux yeux.
Elle porte une de ses chemises, une de celles qu'elle met le soir pour l'exciter, quand il rentre du boulot, sans jamais rien en dessous. Avec ça, des bretelles chipées dans de vieux déguisements. Et puis son pantalon de travail, bien trop frigide à la situation, tristement noir, celui qui exècre les plis.
Un cigare au bec, du marqueur sous le nez, elle a l'air d'un homme. Ce dont elle est persuadée. Plutôt d'un bonhomme, d'un bonhomme de paille.
Pour lui, ça ressemble étrangement à une brindille qui gesticule, à la démarche incertaine, à la peau bien trop blanche, faite de porcelaine fragile, et qui manque de se casser la gueule au moindre souffle du vent. Mais irrésistiblement désirable.
On pourrait en mettre cinq comme elle dans le pantalon, et passer entièrement les mains, les bras, sous ces vêtements trop larges, qui contrastent avec sa féminité grandissante. Force est de constater que cet accoutrement la sublime.
La naissance de son cul, le contour de ses seins, tout se devine, sait engendrer le manque. Et alors que les rondeurs se détachent, que le corps se courbe sous les cabrioles enfantines, qu'il la bouffe du regard, elle se jette soudain à ses pieds et, le petit homme, aux longs cheveux blonds-blé-emmêlés, qui a joué sa scène, supplie maintenant à genoux, demande la rédemption pour avoir chiper le rôle de l'autre Sexe.
- " Suce moi. Tu dois te faire pardonner. Et je dois reprendre ma place. "

27 mai 2008

Interlude


Acte 3, scène 1, une bouche de métro, l'affluence, la pluie qui ruisselle, le grand escalier présumé glissant, facteur de risque pour une brune montée sur talons. Et un café, à 100 mètres.

- " J'étais persuadée qu'elle allait se casser la tronche. Tu m'entends ?
- Je m'imaginais ce petit cul dans un autre contexte que celui d'une flaque d'eau. Je veux te voir toi, à même la rue, dans la position qu'elle n'a pas osé prendre. Atterrie sur une marche, les jambes qui dégoulinent le long de l'escalier, peut-être une main encore sur la rambarde, le tout un peu confus, écartelé, mouillé, oui, c'est exactement ça que je vois. Viens, j'ai envie !
- Tu seras le prince charmant au crâne rasé, je serai Cendrillon avec une perruque noire, hum, pourquoi pas, un Roy Lichtenstein revu et corrigé.
- Un truc sous la pluie, haut en couleur. Regarder cette fille, avoir envie de toi. Même paradoxe.
- J'ai dix minutes avant mon prochain cours. Je paye l'addition, tu trouves l'endroit, c'est ton idée après tout.

Le rideau se ferme. La blonde retraverse la scène en courant ; elle est trempée. Et Idir en boucle sur le tourne disque de la salle des fêtes. Pourquoi cette pluie ...

24 mai 2008

Chambre à l'heure


Au bout de la rue elle l'a repéré et, immanquablement, son pas s'allonge, ses talons heurtent le sol, font écho au même boum boum qui frappe sa poitrine. Son corps se scotche immédiatement et sans surprise, ses épaules trouvent le recoin chaud sous les aisselles, ses hanches viennent emprisonner ce qu'elle sent s'échapper. Les passants déambulent, certains les percutent, mais aucun ne remarque les lèvres qui s'unissent, s'humidifient, qui réclament, la main glissée entre le ventre et la jupe, les doigts qui fouillent, triturent le bout de tissu bien trop liquide.
L'hôtel est à deux pas, elle peut l'apercevoir d'ici mais auront ils le temps ?
Son entre jambes réclame sa queue. Aux contractions qu'elle ressent, elle sait qu'elle dévore déjà ses doigts. La main dans le froque de l'autre, titubants devant le monde qui défile, ils s'entrechoquent, jamais ne s'écartent. Paranoïa due à l'excitation ou la grosse dame de l'hôtel met un temps fou pour trouver cette foutue clé ? Et ce sourire en coin ? Elle, elle est déjà au premier, un sein à l'air. Au milieu de l'escalier, la jupe relevée, une botte en moins, un pied sur la balustrade, elle patiente. Le temps de deux boum boum de plus. Il est sur elle, lui sous ses aisselles, elle est sur lui. Bref ; intense ; entre deux passages de femmes de ménage. Dans ces bras, sur sa queue, elle est sûre, elle sait. Cela aura duré l'instant d'un râle, commun, bestial, mêlés.
La chambre est à deux pas, ils n'ont pas pris le temps.

23 mai 2008

Zoom avant


A la fenêtre, le paysage n'est plus le même, tout est bien différent maintenant. Vue sur les voisins d'en face, l'Argentine en culotte qui court après son mioche. Appuyée contre le carreau froid, le regard perdu, Manon est pensive.
Que va t'elle faire du tapis égyptien ? Y aura t'il une table de chevet pour le glisser en dessous ? Vaut il mieux blinder la valise de pulls au cas z'où ou prendre les dernières fringues sexy ? Et Névrose le poisson rouge ?
Une mèche de cheveux enroulée autour du doigt, ses dents qui mordillent l'intérieur de ses joues, Manon est stressée, angoissée. Et si elle n'aimait pas le nouveau lit ? Si le matelas lui faisait mal au dos ?
Aujourd'hui qu'elle rêve de demain, Manon se demande si l'inverse n'est pas possible, ou du moins pensable.
Et si demain elle rêvait d'hier ?
La chaleur de ses années passées s'échappe avec son souffle, devient buée sur la fenêtre, carte postale jaunit d'un temps révolu.
Son prochain lit sera froid, rien n'est moins sûr, glacé de tous ces hommes qu'elle devra y introduire.

20 mai 2008

Marie, suce moi la !


La consécration de leur histoire. Imbriqués l'un dans l'autre, sa bouche dévorant son sexe, les dents prêtes à mordre dans les veines gonflées, striées bleues et rouges. Au petit matin. Apocalypse Now. Des coups d'épée, des entailles, des hurlements déchirants. Sa réalité est tout autre. Le Grand Bleu. Se laisser couler tout au fond jusqu'à ressentir sa propre folie cachée ; l'extirper.
Préambule déchu. La bite aux lèvres, les couilles trop pleines. Entre Baise et Solitude, le coeur ne balance pas. Quelques heures plus tard, goût amer, sexe endolori. Le camescope, le canard en plastique, les rires étouffés, la dentelle encore humide, jetés. Avec deux mégots de cigarette, dans la poubelle pour déchets non recyclables.

5 mai 2008

Veni, Vidi, Vici,



La paille dans la bouche, elle fixe le fond de son verre mais son reflet n'y est pas, ce qu'elle cherche non plus. Une bière, pas un saké, la femme à poil n'apparaîtra pas. Pourquoi ne pas tenter ? L'homme devant elle, le soleil dans le dos, elle fait abstraction du bruit environnant, chose plutôt difficile place d'It'. Serait-elle jalouse de cette autre blonde ? mélangez y un soupçon de suspicion, un zeste d'amertume, une grande cuillère de sarcasme, et vous obtiendrez ce charmant tableau : une jeune femme sur le point de se cacher dans une pinte de blanche par un après midi ensoleillé parce que rien ne lui fait sortir l'autre de la tête. Elle est plus belle oui, sûrement meilleure au lit aussi, et elle a séduit son homme. Pourquoi est-ce si important cette fois ? Ils avaient tout partagé, presque tout expérimenté. Pourquoi se sent-elle en danger cette fois ?

La paille dans la bouche, c'est sa queue qu'elle trouve au fond du verre. Pourquoi un tel changement ? Le désir n'a jamais été aussi fort, les ébats aussi intenses. Mais chaque effet a sa cause et, ici, il s'agit de la Blonde, rien n'est plus sûr. Le portable vibre et, dans son regard à lui, elle la voit elle. Trop tard, le mal est fait, elle va profité à sa place de son excitation. A partager, elle accepte de garder son sexe, et puis, étrangement, elle n'a pas le choix. Si chacun y trouve son compte ... Elle restera donc dans l'ombre, celle des cris, des gémissements, des rires, de la salive, et des odeurs, rien ne lui convient mieux. Elle lui laisse le podium et la gloire.

Le sourire aux lèvres, elle relève la tête et glisse son talon entre ses jambes. Le cul du verre ne dit plus rien.

Esseulée

Sally Mann


Passée la porte, on rencontre immédiatement le sable. Les pieds enfouis, Anaïs contemple l'horizon. Il était temps de partir, d'échapper à la grisaille parisienne pour se réfugier ici, chez elle. Le tissu d'organdi qui lui sert de porte frôle, sous la brise matinale, ses épaules dénudées. Il fait déjà lourd. Ses orteils jouent avec un morceau de coquillage et, les mains dans l'embrasure, elle songe. Ce-ux qu'elle a quitté, ce-ux qu'elle a perdu, elle n'y pense plus. Seules ses mèches de cheveux s'agitent au gré du vent, caressent sa peau hâlée, s'immiscent sous le blanc de sa robe. Derrière elle, un homme dort sous la moustiquaire de tulle blanche elle aussi. Le drap jusqu'aux reins, il respire fort, allongé sur le ventre. Devant le soleil qui pointe, Anaïs devient translucide, ses pores se dilatent, et des gouttes de sueur viennent perler entre ses deux petits seins. Cette poitrine d'enfant, elle la couve, la chérit, la trouve parfaitement accordée à ses jambes longues et galbées, sa taille appuyée. Plus rien ne distingue cette jeune femme d'une adulte avertie que ces tétons roses qui frémissent aux caprices du vent. L'homme a bougé et viennent se mêler à la brise d'été des effluves de sa sueur à lui, de son corps endormi, des entrelacs de la nuit passée. Le sourire aux lèvres, grossies, humides de leurs baisers, Anaïs descend la colline jusqu'à la crique. D'un mouvement, elle resserre les épaules et fait glisser la robe à ses pieds. Les souvenirs affluent au contact de l'eau. Elle s'y enfonce comme lui l'a pénétrée, fouillée. Elle se laisse envahir, encercler comme lui s'est trouvé pris au piège entre ses jambes. Le rire d'Anaïs éclate, accuse les alentours et chasse la solitude. Le chien l'a rejoint dans l'eau, l'homme s'est réveillé et a passé la porte.

3 mai 2008

Deus sex machina


Le soleil brûle encore en cette fin de journée. Ses talons heurtent les pavés du boulevard qu'elle connaît si bien, côtoie si souvent. Mais ce soir, elle ne voit plus cette allée si souvent empruntée, ne reconnaît plus les passants, les commerçants, les trottoirs, chaque dénivelé, sa vie qu'elle perd petit à petit dans ce quotidien aveuglant. Elle s'est trop penchée, a brûlé ses ailes au feu de cet homme. Ecoeurée de cet après-midi passé, du rosé qui se dilue dans ses veines, elle frémit malgré l'été installé. Partie précipitamment de la garçonnière, comme ils l'appelaient couramment entre eux, elle s'était trompée de rue, gourée d'avenue. Le café, son repère était encore loin. Sa culotte, trop fine, laissait s'échapper la trace de leurs ébats, du mal qu'elle venait de s'infliger croyant le lui infliger. Ses bas retinrent ce qui lui restait de respect d'elle-même. Elle ne s'était pas protégée. Le mal dont on la frappait, elle s'en flagellait avec le quintuple, pourquoi ? La terrasse apparaissait. Elle pourrait entamer sa réflexion, comprendre quel bien lui procurait d'écarter les cuisses, de plonger sous de nouvelles caresses, que l'on plonge en elle, que l'on plie sous elle. Elle avait perdu le fil de son histoire, le Manque l'avait empoigné de nouveau, ou le Trop peut-être, quelle importance ? Elle avait aimé, le dénouement restait le même, les années passaient. Dans la garçonnière, ce n'était pas elle, et pourtant, qui s'était emparée de son sexe dressé, gonflé, amené au bord du précipice; pas elle qui avait reçu les compliments : "Tu baises bien putain" ou "Putain", elle ne se rappelait pas. Les hommes qu'elle choisissait, il les connaissait tous. Et, sûrement, un soir d'été, comme sur ces pavés, il ne les reconnaîtra pas, perdant leur vie, sa vie, au même titre qu'elle aujourd'hui. Réflexion faite, c'était le but non ?

"Un café s'il te plaît."