22 févr. 2008

Pile et Face


« Et mon prénom, le connaissais-tu? ». La fenêtre du Chat s'ouvre, tu resurgis, laissant entrer avec toi la chaleur d'une nuit glacée, d'une nuit volée. Elle s'était enfuie, lui abandonnant une bague, quelques traces sur les draps, et son odeur, son odeur, sur l'oreiller, sur ton sexe, dans l'air étouffé, étouffant. Quelques mois plus tard, il lui parlait, pour la première fois; pour la première fois celui qui connaissait ton corps, qui t'avait vu t'oublier sous sa langue, qui t'avait prise jusqu'à ce que la douleur devienne insupportable, se trouvait derrière cette fenêtre, en position d'égal à égal, pour la première fois. Un échange dont elle se délectait.

 

« Comment je m'appelle? ». Il ne le savait plus et elle ne lui avait pas demandé. Mon corps une nuit d’hiver, mes mots une soirée d’été, jamais mon nom quel que soit la saison. « Un je-ne-sais-quoi » Il avait dit ; une incertitude qu’il a devant son langage, la même impression qu’il a eu devant son corps, devant cette fille consentante et pourtant volée, capturée un soir de pluie, repartie un matin pluvieux, toujours mystérieuse, toujours désirable, toujours celle qu’il ne reconnaissait pas.

 

« Et lui ? Tu t’en souviens ? ». On se confie à un ami, on n’oublie pas une femme dans son lit. Il avait peut-être oublié le jeu, seul le passage d’une dame « chamboule tout » lui était resté en mémoire. Il avait certainement oublié qu’ils étaient trois, oublié que ceci avait été la raison, seule et unique, de sa queue dressée, de son désir pour cette inconnue. A pile ou face, il avait gagné les deux, sa face à lui, sa pile à elle.

 

« Et son nom ? ». La question n’avait pas besoin d’être posée, puisque la réponse était connue des deux, des trois. La scène aussi était connue, mais différemment, par chacun d’eux, sous un angle différent, dans des positions différentes. Elle aurait aimé être dans chacune de ces focalisations. La sienne, elle l’avait oubliée, lui ne l’avait pas oubliée, et c’est, par la fenêtre du web, qu’il lui jetait à la face son corps, à travers les mots qu’elle avait écrits, dans lesquels elle s’était noyée, comme lors de cette nuit glacée, cette nuit volée.

 

« Toi ? ». Touché coulé, échec et mat. C’est elle, elle que tu as possédé, elle qu’il a possédée, elle qu’il t’a regardé posséder ; la même qui, aujourd’hui, écrit, écrit des textes qui te font bander, autant que son corps cette nuit d’hiver. Et ce sera tout, tout ou rien, jusqu’au prochain attouchement, jusqu’au prochain croquis, jusqu’au prochain mot, jusqu’au prochain « Nuit et Mots ».

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