5 févr. 2009

Quand Orphée s'est retourné

And the thought crosses my mind If I never wake up in the morning Would she ever doubt the way I feel About her in my heart.


C'est le froid qui l'a surprise, la lumière aussi. Elle revient d'un sommeil sans rêve, sans trêve non plus. Malgré des mois sur un matelas à même le sol et un drap rebelle qui préfère décidément la poussière, elle sourit. Ses yeux s'ouvrent sur sa nuque à lui, le seul point de repère qu'elle ait conservé. Son esprit s'est peu à peu vidé de tout le reste, elle le sait, elle sait que c'est mal, qu'un seul être n'a pas le droit de s'emparer de toutes ses cellules, grises ou pas. Pourtant, elle sourit toujours, il aura dormi ainsi, dans ses bras, lové contre la femme qu'il protège le jour, qui le berce la nuit. Elle ne bougera pas, évitant de brusquer un réveil qu'elle veut félin. Les yeux avides parcourent la peau et la bouche réclame elle aussi. Dans son dos, elle remue avec peine, le bras coincé sous le sien, et la langue trace un sillon dans le cou et les lèvres sur les vertèbres s'activent. Mais l'amour, ce matin, s'épuise et, sans le voir, elle sait que ses efforts sont vains. Relevée sur un coude, elle s'arrête sur l'immeuble d'en face, sur la pauvreté des lieux, sur leur studio 'en travaux' depuis trop longtemps déjà. Il ne s'est pas levé cette nuit pour fermer la baie vitrée et elle le sent froid. En lui mordillant l'oreille, elle tente une nouvelle fois de dégager sa main, sans succès. C'est la première fois qu'elle se réveille frigorifiée et elle a beau se coller, l'étreindre, elle n'arrive pas à se réchauffer, il n'arrive pas à la réchauffer.


Plus que son insondable sommeil, c'est sa peau qui inquiète. Alors elle revient au point de départ, à cette nuque qu'elle baise parce qu'elle n'a pas compris ou se laisse encore quelques minutes de répit. S'ensuit un concert de murmures, bredouilles et smacks. C'est quand elle retire enfin son bras qu'elle réalise son erreur. L'être qui gouverne ses cellules, couché sur le côté, n'a pas bougé, ni lui ni son bras. Et la main libérée vient machinalement se poser sur la nuque sans qu'une raison soit formulée et surtout envisagée. Un jour, elle le dira, qu'elle l'a su dés le moment où elle a ouvert les yeux, parce que l'image ne correspondait à aucune. Pour l'instant, elle a la main sur la carotide, ne sait plus si c'est pour les caresses ou pour l'autre chose. A moitié tourné vers elle, il dort paisiblement, a même sourit dans la nuit. Mais alors que le regard aurait pu se suffire de cette contemplation amoureuse, l'esprit repense au froid de la nuque. Et la tache sur le drap qui se dessine soudain accentue légèrement les battements de son coeur. Certaines cellules ont commencé à mourir à la vue du sang, d'autres se sont refermées sur elles-mêmes, beaucoup ont regardé ailleurs. Elle a fait pareil et fixe sa main sur la nuque. Jamais elle n'a arrêté le murmure de son nom qui, de plus en plus inaudible, s'estompe maintenant de lui-même. Avec le silence revenu vient la certitude d'un réveil trop longtemps attendu, d'un être trop patiemment désiré. Peut-être un peu durement, elle le retourne complètement sur le dos et la nuque disparaît sous l'oreiller. Toujours ce sourire qui dort et ce sang qui n'a pas sa place dans le lit. Et puis la main crispée qu'elle n'a pas osé prendre et les membres raidis, blanchis. Surtout le froid, les 21 grammes partis, les cellules enfuies, et la chanson qui viendra bien plus tard.


Will she know how much I loved her Did I try in every way to show her every day She's my only one And if my time on earth were through And she must face this world without me Is the love I gave her in the past Gonna be enough to last

Chanson Ronan Keating If tomorrow never comes

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