29 mars 2008

Conjecture


Embarquée dans sa vie, elle ne sait quand le manège s'arrêtera enfin. "Maman, je veux refaire un tour, attraper le pompom". La pluie glisse sur ses joues, entraîne avec elle les larmes, seul témoin de son mal-être, de son bonheur total, insupportable. Son téléphone ne cesse de vibrer, Lui, le barman, le réceptionniste de l'hôtel, le taxi, l'ex, l'inconnu ... Et sous ce ciel qui pleure, loin devant cette vie qu'elle sait ne pouvoir assumer, son corps réclame sa moitié, laisse l'eau percer sa robe, inonder sa poitrine. L'auréole de son téton, le creux de son sexe se frayent un chemin au travers des fibres quand l'appel de l'orage lui fait lever la tête. Cheveux défaits, elle fixe cette ville déluge, déserte, décadente. Les pavés sont imparfaits, les gouttes semblent remonter, pleuvoir de la fontaine, les caniveaux s'engorgent, s'épuisent, les rares passants, transits, maudissent les quelques frêles réverbères. Le froid la saisit, devant ce café où leur amour n'a pas passé. Un dernier instant, elle passe les doigts sur ce corps, à nu sous le tissu blanc, collant, et parcourt d'un geste sa féminité fanée, usée, déraisonnablement belle. Un dernier instant, elle ne conçoit pas descendre du manège, un tour suffit pour prendre des habitudes, de mauvaises habitudes aussi. "Maman, juste une fois s'il-te-plaît, après c'est tout".

Pour les employés de la brasserie, Elle a un peu trop bu, a pris beaucoup trop froid, a passionnément aimé. Et ils n'ont pas tord.

Aucun commentaire: