1 déc. 2008

Fissure


Impatiente ! Elle allait trop vite, agissait avec empressement, agitait avec fureur. Pourtant, comme deux fesses dans un jean, ils étaient faits pour être ensemble, accomplir de grandes choses, mener loin, très loin, le corps et les sens.
Tiraillé ! Il voulait tout, tout de suite, et ne touchait rien du tout. Pourtant, comme deux couilles dans un slip, ils étaient faits pour être ensemble, accomplir de grandes choses, mener loin, trop loin peut-être, le corps et ses sens.
Les cagibis irritaient, les doigts, nerveux, cherchaient matière à apaiser l'esprit.
Ils vécurent une nouvelle année ainsi, à s'attendre désespérément. Le frôlement suffisait maintenant à les informer d'un quelconque changement physique chez l'autre, la rondeur d'un sein plus ferme, un désir évident, une moiteur devinée. Chez elle, resserrer les cuisses en croisant les jambes jusqu'à ce que sa culotte frotte, irrite ses lèvres et endolorisse tout son sexe s'avéra très utile voire nécessaire pour palier à la folie grandissante. Chez lui ? Elle ne savait pas. Une philosophie stoïque, une autre femme, une apparence. Dominant. A lui cette fille, à lui cette chatte, à lui ce cul, et rien qu'à lui. Malheureusement, leurs
tempéraments si différents n'occultèrent pas ce même désir de l'autre. Mais s'ils s'emboîtaient à la perfection, arriveraient-ils à se dessouder ? Le moment vînt où la drôlerie du lieu, les regards blagueurs n'eurent plus d'effets qu'un léger renoncement. Et c'est trois ans après leur premier signe de tête qu'ils décidèrent de franchir la limite de non- retour.
L'appartement, impersonnel, était cependant assez grand pour qu'ils puissent se presser, s'étouffer. Et, ainsi qu'ils l'avaient prévu, chacun hurla son envie à sa manière, elle, se jetant dans ses bras, déchirant maladroitement sa chemise, lui, une main dans sa nuque, relevant sa tête, l'autre broyant son cul. Elle a pleuré, subitement, un gros sanglot pour contrer l'étouffement, pour se laisser respirer, enfin, depuis le temps. Le goût des larmes s'est mêlé à leurs baisers, a salé leurs lèvres pressées. Il l'a soulevée, portée, ne sachant plus bien comment agir devant ces yeux déterminés, désespérés, que faire de cette peau si blanche, de ce corps offert. L'empressement premier avait disparu et une sorte de pudeur inconnue venait se jouer de leur légèreté quotidienne. Ils avaient pris l'air grave de ces gens soucieux de vivre l'instant. Alors seulement, il l'embrassa et tant pis s'il devait s'attacher puisque c'était déjà fait. Il leur était maintenant impossible de se séparer, les sens depuis trois ans exacerbés, le corps par l'absence cruellement meurtri. Le sexe chaud, l'envie figurée, le lit défait. Quand il la déposa sur la chaise, elle s'avança instinctivement, prête à répéter la scène apprise, jouée, fantasmée. Sucer n'est pas tromper. Mais il s'agenouillait déjà, la reprenait nerveusement dans les bras. Il n'avait rien prévu de cette fille, s'était habitué, croyant refusé. Aujourd'hui qu'il connaissait son corps, il découvrait son humeur. Et il allait provoquer, engendrer, posséder ce tout qui lui faisait peur, ce tout qui les retenait éloignés. La tête enfouie dans le creux de son ventre, il fit descendre son string, reconnu l'odeur subtilement marquée qui ne l'avait jamais quitté. Et sans bouger, il fouilla des doigts celle qu'il avait toujours crue ouverte. Elle se cramponnait à lui, incapable de retenir le torrent de larmes qui inondait déjà son cou, qui inondait déjà son con. Elle se cambra sous la jouissance, les seins dans la lumière, la face bouleversée. Jamais il n'aurait imaginé les secousses de ce petit corps, les gémissements de cette gorge, les crispations de ce visage. Il avait peur tout d'un coup, peur que la décharge provoquée ne la tue, peur d'être enfin l'acteur d'un plaisir dont il était lui-même l'auteur. Elle éjacula sur sa main, un mélange de mouille et de pisse, pressant sa tête entre ses seins, prenant, absorbant, croyant être à présent incapable de donner. Elle se lova contre lui, écrasa ses pleurs contre son torse, colla ses lèvres à cette peau suante, salée, vivante. Il la souleva et la porta jusque dans les draps. Il l'avait fendue, il allait maintenant s'y répandre, mais ne pourrait plus jamais s'en réchapper. Il l'observa et trouva son propre reflet, sa toute puissance, leur auto-suffisance. Alors il la chevaucha pour lui échapper, pour qu'elle ne croise pas les larmes, pour que leur fièvre silencieuse perdure entre ces quatre murs.

Aucun commentaire: