3 mai 2008

Deus sex machina


Le soleil brûle encore en cette fin de journée. Ses talons heurtent les pavés du boulevard qu'elle connaît si bien, côtoie si souvent. Mais ce soir, elle ne voit plus cette allée si souvent empruntée, ne reconnaît plus les passants, les commerçants, les trottoirs, chaque dénivelé, sa vie qu'elle perd petit à petit dans ce quotidien aveuglant. Elle s'est trop penchée, a brûlé ses ailes au feu de cet homme. Ecoeurée de cet après-midi passé, du rosé qui se dilue dans ses veines, elle frémit malgré l'été installé. Partie précipitamment de la garçonnière, comme ils l'appelaient couramment entre eux, elle s'était trompée de rue, gourée d'avenue. Le café, son repère était encore loin. Sa culotte, trop fine, laissait s'échapper la trace de leurs ébats, du mal qu'elle venait de s'infliger croyant le lui infliger. Ses bas retinrent ce qui lui restait de respect d'elle-même. Elle ne s'était pas protégée. Le mal dont on la frappait, elle s'en flagellait avec le quintuple, pourquoi ? La terrasse apparaissait. Elle pourrait entamer sa réflexion, comprendre quel bien lui procurait d'écarter les cuisses, de plonger sous de nouvelles caresses, que l'on plonge en elle, que l'on plie sous elle. Elle avait perdu le fil de son histoire, le Manque l'avait empoigné de nouveau, ou le Trop peut-être, quelle importance ? Elle avait aimé, le dénouement restait le même, les années passaient. Dans la garçonnière, ce n'était pas elle, et pourtant, qui s'était emparée de son sexe dressé, gonflé, amené au bord du précipice; pas elle qui avait reçu les compliments : "Tu baises bien putain" ou "Putain", elle ne se rappelait pas. Les hommes qu'elle choisissait, il les connaissait tous. Et, sûrement, un soir d'été, comme sur ces pavés, il ne les reconnaîtra pas, perdant leur vie, sa vie, au même titre qu'elle aujourd'hui. Réflexion faite, c'était le but non ?

"Un café s'il te plaît."

Aucun commentaire: