4 nov. 2008

Cerisier à Chemisier


J'attends ta venue, chaque fin d'été. Te souviens tu ? Tu faisais plier mes branches, frémir mes feuilles, grossir mes fruits. Mais tu ne viens plus. Et les cerises ne rougissent plus, ni de plaisir, ni de jalousie, ni de honte. Pourtant je t'ai choyée, je t'ai prise sous mon feuillage, j'ai fait ployer sur toi les plus beaux de mes enfants. J'ai recueilli tes songes, participé à tes états de langueur quand dans un soupir tu fermais les yeux. Mon tronc a rafraîchi ton dos, relaxé ta nuque, fait face à la sueur de l'été. Mes racines, elles, ont surélevé tes jambes, calé tes fesses. Et pourtant, je n'ai pas vibré, j'ai retenu mes feuilles de se laisser aller au frémissement que provoquait ta présence. Tu as puisé ma force, embrassé mes branche, mordu dans le rouge juteux. Et la Nature Humaine trouvait son accomplissement dans ces moments de don, d'abandon candide. Mon Ingénue, l'été approchait de sa fin, j'ai pensé que tu prenais froid. Tu n'avais plus ces robes légères, tu nejetais plus tes sandales au loin dans l'herbe, je n'ai plus jamais vu ton sein quand, rêveuse, tu laissais respirer ton corps. Ce jour-là, tu portais un corset, un chemisier, des barrières infranchissables pour un arbre, aussi amoureux qu'il soit. Alors, j'ai fait tomber une de mes cerises entre les deux fruits que la terre ne m'ait jamais permis d'adorer. Toi qui avait serré mon tronc, qui venait dés l'aube te mouiller de ma rosée, toi qui suçait mes grappes, jamais tu n'es revenue. Rouge de colère, de pudeur nouvelle, tu as maudit l'insouciance de mon geste et tourné, provocante, ta croupe à ma face impassible.


Photos de David Bellemere

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