6 déc. 2012

Les pavés de Paris ont quelque chose de sexuel #2

La première fois qu’elle l’a vu, c’était sur les bancs de l’école. Roux, des tâches de rousseur, le teint déjà plus pâle que les autres. Comme elle finalement. Elle blonde. Les petits mots sont apparus. Un subrepticement glissé dans la trousse et, à la fin de l’année, la trousse déborda. De cœurs, de Je t’aime, de « Tu as compris les divisions ? », une tonne de petits mots doux enfermés plus tard dans une boîte coquillage qu’elle n’a pas gardée. Ils étaient au CM1, au CM2 peut-être. À sa première boum, elle n’a dansé qu’avec lui. Elle a même dit « non » à un autre garçon. C’est sûrement la première et la dernière fois qu’elle a employé ce mot avec les hommes. Le prétendant a pleuré et s’est enfui. Il n’y avait rien de plus beau, de plus magique, que cette histoire naissante. Un garçon parfait, une jeune ingénue, des regards qui embrasaient le cœur, ils n’avaient besoin de rien d’autre. Plus tard, elle s’est impatientée. Les regards, le cinéma, les mots, elle voulait plus et sans attendre et c’était à lui d’agir, lui le garçon. Mais à douze ans on est tétanisé et on ne connaît rien aux choses de l’amour. Ce fut d’une simplicité déconcertante, trop pour elle. Elle a jeté la boite coquillage donc. Ses regards à lui n’ont pas cessé. À seize ans, la mort lui a repris sa si jolie vie. Et c’est sans regrets mais le cœur qui se serre qu’elle passe maintenant devant le cimetière. Quand Léon est parti, sa peau était plus pâle que le premier jour de la première rentrée des classes et ses beaux cheveux roux s’en étaient allés. Pourtant, c’est toujours l’enfant de dix ans qui vient lui rendre visite la nuit, un ange aux doux conseils et au sourire inaltérable.

Aucun commentaire: