6 déc. 2012

Les pavés de Paris ont quelque chose de sexuel

Assise sur le muret de briques, le dos dans les fleurs, elle scrute les pavés sans les voir. Au loin, le son d’une sirène se fait entendre. Il se fait assourdissant aux feux, et puis se tait. Ce n’est pas pour elle. Ou plutôt pour lui. Les pavés sont gris, imparfaits. Et puis deviennent flous, opacifiés par un rideau de larmes qui ne franchit pas la barrière de ses yeux. Enfin la voiture bicolore remonte la rue, gyrophare tourbillonnant. Et deux bottes noires en cuir apparaissent à sa vision brouillée. - Vous êtes Violette ? Violette Serin ? Qui d’autre… - J’ai besoin de vous poser deux trois questions. Enfin plusieurs vous vous en doutez. Vous me suivez ? Violette se lève, lentement, déterminée à affronter la réalité plutôt que ces pavés. En fait elle n’a pas le choix et elle le sait. Elle suit l’homme en uniforme, reprend l’ascenseur, se glisse dans le couloir. Devant la porte d’entrée, le flic lui tend un papier. Un carton avec les numéros d’urgence du 15eme arrondissement où il est griffonné : « Si un jour tu me quittais, je serais tellement malheureuse que tu ne pourrais pas être heureux. » - C’est vous qui avez écrit ça ? - Oui, c’est une réplique de film. Vous cherchez à savoir si je l’ai tué ? Elle avait lancé cela sur un ton de défi, les yeux plantés dans ceux de l’agent. - J’en ai vu des filles comme vous, ne cherchez pas à jouer les malignes avec moi. Si vous ne coopérez pas, vous plongerez. Les larmes coulent cette fois, elle pleure en silence et s’écroule accroupie, dos au mur. À vingt ans, elle a le sentiment d’avoir vécu une vie. Et c’est trop pour l’enfant qu’elle est encore. Au bout du couloir, ses parents déboulent, affolés. Constat. Interrogatoire. Regards meurtris. Mise à l’écart. - Vous allez me raconter ce qui s’est passé, n’est-ce pas ? Un homme jovial s’est assis devant elle. La quarantaine, un début de calvitie, il a le sourire du père Noël et lui fait croire par un simple regard qu’il la sauvera de ce bourbier. Et elle y croit. Encore ce sentiment de ne pas avoir le choix. Il l’emmène. Le gyrophare s’est tu. Toute une équipe est restée sur les lieux, bleue, blanche et rouge. Police, SAMU, pompiers. Il est entre de bonnes mains maintenant. Appuyée contre la vitre du véhicule qui l’emmène au 36, quai des orfèvres, elle ferme les yeux…

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